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Qui s’occupe de ses parents ?
Une nouvelle étude basée sur les données de SHARE explore l'influence qu’ont les caractéristiques des frères et sœurs sur les soins apportés par un enfant à ses parents en Europe.


(Avril 2020) Les conditions dans lesquelles les enfants adultes prennent en charge les soins de leurs parents ont fait l'objet de nombreuses recherches. Cependant, on connaît mal le rôle que jouent les caractéristiques des frères et sœurs dans la prise de décision collective au sein de familles à plusieurs enfants en Europe. La prédisposition d'un enfant à s'occuper d’autrui, mais aussi les perspectives de ses frères et sœurs, peuvent influer sur les soins prodigués par cet enfant adulte. Ainsi, s'il est vrai que la charge individuelle sur l’enfant peut être réduite au plus il y a de frères et sœurs, la répartition peut ne pas être égale. Avec leur étude, les chercheurs belges Jorik Vergauwen et Dimitri Mortelmans ont tenté de faire la lumière sur cette question.

Les facteurs qui peuvent avoir une influence sur la prise en charge : le genre, l'estimation des coûts et les relations personnelles

Sur la base de la théorie des parcours de vie et des systèmes familiaux, les auteurs ont formé trois groupes de facteurs déterminants de la prise en charge. La première hypothèse est que, même si les frères et sœurs assument souvent une responsabilité commune en matière de soins, la proportion de femmes dans une famille est une caractéristique importante. Des recherches antérieures ont décelé un net déséquilibre entre les genres dans la prestation de soins : Si les soins aux parents sont toujours considérés comme le travail des filles, les fils se dérobent souvent à cette tâche. Le rôle des filles en tant que principales dispensatrices de soins ne s'explique pas par les ressources et les contraintes différentes des hommes et des femmes. Au contraire, il découle vraisemblablement de la croyance normative selon laquelle les soins familiaux sont essentiels à l'identité sexuelle féminine.

En outre, on s'attend à ce que les enfants pour lesquels les coûts de prise en charge sont les plus bas (principalement en termes de temps) soient les plus susceptibles d'aider leurs parents. Le coût de la prise en charge est mesuré en fonction de la proximité géographique des parents, des exigences de la famille de l'enfant et de son statut professionnel, puisque ces facteurs déterminent le temps qu'un enfant peut consacrer à la prise en charge. Enfin, les enfants peuvent assumer davantage de soins lorsque leurs frères et sœurs ont moins de contacts avec leurs parents. L'engagement parent-enfant est mesuré par la fréquence des contacts, car les sentiments de proximité sont déterminants dans la prise en charge et peuvent varier entre frères et sœurs. En outre, les auteurs ont évalué les différences entre les pays européens, en tenant compte des différents systèmes de protection sociale et des contextes culturels.

Les données longitudinales de SHARE permettent de traiter l'endogénéité

L'étude s'appuie sur les données des vagues 5 et 6 (2013-2015) de l'enquête sur la Santé, le Vieillissement et la Retraite en Europe (SHARE). SHARE contient des informations cohérentes sur les soins reçus par les parents, ainsi que sur les caractéristiques de leurs enfants. Après avoir filtré les enfants mineurs et solitaires, les auteurs obtiennent un échantillon de 79.020 dyades parents-enfants. Dans 2,69% de ces cas, les enfants ont débuté la prise en charge au cours de la période sélectionnée. Un atout majeur des données SHARE dans le contexte de cette recherche est qu'elles permettent de traiter l'endogénéité des prédicteurs de la fratrie. La conception longitudinale tient compte de la séquence temporelle de la transition vers la prise en charge et permet ainsi de contrôler les caractéristiques de la fratrie avant la prise en charge.

Le genre et les dépenses liées aux soins sont déterminants pour la répartition des soins entre frères et sœurs

En ce qui concerne les caractéristiques des frères et sœurs, les auteurs ont trouvé les preuves d'un préjugé sexiste. Ce sont les filles qui se montrent les plus attentives, surtout dans les familles où il n'y a que des frères. Les fils, quant à eux, sont plus susceptibles de jouer un rôle de soignant s'ils n'ont pas de sœurs. Cette prise en charge intergénérationnelle genrée n'est pas imputable à d'autres facteurs (que le genre), y compris les possibilités de prise en charge des filles du point de vue de la fratrie. Cette constatation vaut surtout pour les pays d'Europe du Sud. En outre, l'étude confirme que les enfants commencent à aider davantage lorsque frères et sœurs supportent des coûts plus élevés en termes de distance à parcourir et de responsabilités professionnelles, et lorsque leurs frères et sœurs ont moins de contacts avec leurs parents. Les exigences familiales des frères et sœurs, concurrentes à la fourniture de soins, ne semblent pas avoir d'influence sur la transition des soins. Dans l'ensemble, les enfants qui ont des "excuses légitimes" ou qui doivent assumer des coûts élevés pour s'occuper de leurs parents sont enclins à confier cette tâche à leurs frères et sœurs, tandis que les enfants dont les frères et sœurs sont moins impliqués dans la famille sont susceptibles de s'en occuper. Cet impact ne varie pas sensiblement entre les régions européennes.

D'autres recherches pourraient explorer plus en détail le biais de genre détecté

Dans le contexte du vieillissement de la population, du rétrécissement des familles et des systèmes de protection sociale sous pression, il est essentiel de comprendre comment l'organisation intrafamiliale de la prise en charge intergénérationnelle va se développer. La présente étude contribue à cette connaissance en montrant que les caractéristiques individuelles ne sont pas suffisantes pour prédire la prise en charge d'un enfant. Cependant, il reste encore beaucoup de détails à explorer. Par exemple, les recherches existantes, y compris le présent article, se concentrent sur les tâches de soins typiquement féminines. Les recherches futures devraient donc ajouter ou distinguer d'autres types de soutien, comme les réparations domestiques ou les questions financières. Cela pourrait améliorer la position relative des fils et éviter un biais de sélection.

Étude réalisée par Jorik Vergauwen et Dimitri Mortelmans (2019): An integrative analysis of sibling influences on adult children’s care-giving for parents. Ageing & Society, 1–25. DOI: 10.1017/S0144686X19001156.

URL: https://www.cambridge.org/core/journals/ageing-and-society/article/an-integrative-analysis-of-sibling-influences-on-adult-childrens-caregiving-for-parents/038C6F299E62380F9C954A9A586A28CD

Cet article a été traduit de l'anglais au français. Cliquez ICI pour le lire en version originale.

Photo : Unsplash / Raychan